‘It Follows’ de David Robert Mitchell

It Follows’ de David Robert Mitchell, sorti au cinéma le 4 février dernier et fraîchement débarqué en DVD, est un film d’une mélancolie sans fin. On y évoque dès le début le regret de l’enfance, où tout était possible, cette enfance où l’espoir était encore permis, où l’on avait encore le droit d’y croire. ‘It Follows’, c’est le portrait dépressif d’une jeunesse sacrifiée qui ne peut plus jouir, où les relations intersubjectives sont sur-responsabilité d’autrui ou instrumentalisation irrévocable.
On sent poindre du Gus Van Sant dans la réalisation de Mitchell (tout comme l’influence de Gregory Crewdson), mais c’est évidemment chez John Carpenter qu’il faut aller chercher l’emploi des courtes focales, des grandes profondeurs de champ et des nappes de synthétiseurs, avec même un thème en 5/4 lors d’un des road-trips du film. Car il y a des déplacements dans ‘It Follows’, obligatoirement vu le pitch du film (très léger : il se résume grosso modo dans le titre).
Les personnages fuient, errent, hésitent et surtout s’ennuient malgré la menace sourde et pesante. Ils s’ennuient comme Anna Karina sur son bord de grève dans ‘Pierrot le Fou’. Les personnages bougent (car le terme « évoluer » serait fortement inadéquat). Ils bougent dans une Amérique pavillonnaire suburbaine désertée, abandonnée, délaissée. Délaissée comme ces jeunes gens livrés à eux-mêmes dans un monde où les adultes ont disparu. Les seuls qui apparaissent dans le métrage sont les corps que revêt « la chose », jusqu’aux traits de la mère de Greg dans une séquence qui résume à elle seule la raison du désespoir de cette génération : être pris en étau entre les post-Flower Power qui refusent de vieillir et la psychanalyse freudienne qui castre jusqu’à la lie.
C’est un monde où rien n’existe, rien que des corps qui se cognent et s’entrechoquent dans le vide et le néant laissant entrevoir un avenir impossible. La génération Y, c’est celle qui se s’est fait une raison, celle qui ne peut plus jouir. Et de toute façon, il n’y a de quoi jouir, ni plus rien de quoi jouir.
It Follows’ est un très bon film fantastique, mais c’est surtout le portrait lucide et désespéré de la jeunesse du XXIème siècle. Et c’est sur sa façon de traiter ce point en particulier et non dans les scènes de suspens que ce film est vraiment et profondément effrayant.

Voir la bande-annonce :
https://youtu.be/AsoUG9ScJnc