Philippe Druillet (1944 – )

Si le monde entier s’accorde à louer le génie de Moebius, il semble que le grand public n’a pas encore réalisé l’importance du travail de Philippe Druillet. Pourtant nombreux sont les créateurs de l’autre côté de l’Atlantique jusqu’aux studios de manga tokyoïtes qui lui doivent beaucoup. Georges Lucas lui-même ira jusqu’à écrire : ‘’ Certains rêveurs vont plus loin, voilà tout, et leurs fantasmes les entraînent aux confins de l’imaginaire.Philippe Druillet est de ceux-là. Ses rêves ont été publiés sous forme de recueils. Delirius, Yragael, Urm … à travers lesquels leur est rendu un culte singulier. Ses légendes barbares n’ont pas fini de me fasciner et je le considère comme un superbe illustrateur, doué d’une puissante vision créatrice.’’ En 1970 Philippe Druillet est un jeune créateur qui transforme de l’intérieur la revue Pilote sous la houlette bienveillante de Goscinny avant le clash inévitable avec le ‘’père’’ et la rencontre avec le frère, Jean-Pierre Dionnet qui mènera à la naissance en 1974 de Métal Hurlant et des Humanoïdes associés. Mais il s’agit là d’une autre histoire… En 1970 Philippe Druillet n’est pas encore le monument que l’on connaît, mais il boue d’une énergie cosmique et d’une envie de changer le paysage pop culturel français encore fort endormi. En face de lui il a deux jeunes activistes de la contre culture qui l’on emmené jusqu’au no man’s land de la Grand Mare (future cité sensible) via la MJC de ‘’la maison du plateau’’ afin de l’exposer en compagnie de planches de comics et de tableaux du peintre, réaliste fantastique Kazimierz Dzyga. L’un des deux agitateurs culturels a pour nom, Jean-Pierre Turmel futur créateur du mythique et génial label Sordide Sentimental (Joy Division, Throbbing Gristle, Psychic TV), soit le père avec Genesis Breyer P Orridge de l’industrial culture. L’autre jeune homme à pour patronyme Jean Gaumy qui lui se réalisera en tant que photographe de renom pour l’agence Magnum puis peintre officiel de la Marine. D’un côté en 1970 tout reste à construire afin d’ouvrir les consciences hexagonales aux univers fantasmagoriques et aux nouvelles pratiques culturelles. À ce sujet en écoutant l’entretien on s’amusera de l’évocation du tatouage et du piercing sujets ‘’limites’’ et choquant à l’époque et aujourd’hui parfaitement acceptés. Si on analyse l’entretien, ses participants et le contexte social et culturel de la France de 1970 on peut aussi avec le recul du temps penser que malgré leurs moyens limités, nos amis avaient sans le savoir la chance de participer à l’édification d’un nouveau monde. Nostalgie d’un temps ou le directeur d’une MJC, ici en l’occurrence Emmanuel Dilhac pouvait être un musicien, plasticien et écrivain novateur. Aujourd’hui, la science fiction, le fantastique, la contestation sous toutes ses formes et la pop culture ont été avalé par la société du spectacle chère à Guy Debord. Sommes-nous plus heureux et surtout plus évolués, j’en doute. Qu’importe, consolons nous avec cet entretien historique passionnant, riche d’enseignements et resté inédit jusqu’à ce jour !

A écouter sur Radio Rectangle :

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Une interview inédite réalisée par Jean-Pierre Turmel (Sordide Sentimental) et Jean Gaumy.
Merci à Jean-Emmanuel Deluxe.